BEBERT Vincent – Galerie Convergences – Paris 3ème

La galerie Convergences dans le Marais expose le peintre Vincent Bebert du 7 au 31 mai. Plusieurs séries de peintures réalisées entre 2007 et 2025 sont présentées, 15 ans de peinture donc qui nous donnent à voir un panel des thèmes que l’artiste travaille.

 Bretagne, collage et tempera sur papier, 35 x 46 cm, 2007

Fenêtres urbaines, paysages, natures mortes, quelques arbres et également des paysages de bord de mer constituent les différentes séries de ce travail. Vincent Bebert travaille sous forme de séries comme son ami et maître Sam Szafran. En effet Sam Szafran lui avait expliqué tout l’intérêt de penser en termes de séquences les différents angles de vue d’un même sujet. Loin de se répéter, par ce travail séquentiel, le peintre se renouvelle et approfondit chacun de ses thèmes. Il y a quelque chose qui tient du cinéma dans cette démarche, qui est tout à la fois dans ce procédé de travail lui-même, avec les différentes séquences et angles de vue, mais également dans le cheminement, celui d’un peintre qui va rencontrer chaque fois son sujet, l’expérimenter, le vivre et l’explorer comme tant d’aventures.

Etude de rue de Malakoff, Huile et tempera sur papier Marouflé, 96 x 162 cm, 2025.

Ce qui fait peindre Vincent Bebert, c’est le motif, motif étant d’ailleurs de la même étymologie que motiver et émotion ; toutes ces choses qui sont là dehors et qui n’attendent qu’à être vues, étudiées, aimées par la peinture… Dans son cheminement et ses errances, Vincent dessine. Il fait des croquis préparatoires qu’il réalise sur le motif et dont il se sert pour travailler ou pousser plus loin ses toiles en atelier, des huiles sur toile ou sur papier marouflé. Son atelier est d’ailleurs une sorte de quartier général où il recentre ce qu’il a pris sur le motif. Les rues de Malakoff, la ville de Vanves, les bois de Clamart et de Boulogne, l’Ile de France, mais aussi l’Ardèche, l’Atlantique… cet extérieur qu’il n’en finit pas de contempler et de fouiller est son grand atelier de travail. Les rues en plongée, les lisières de forêt, les sous-bois lumineux, les portraits d’arbres… Il y pioche des images à reconstituer, des perspectives à retranscrire, des profondeurs de champs à traduire, des couleurs qu’il attrape et surtout des histoires seules sues de lui mais qui dans la matière s’incarnent et qui peuvent se ressentir. Il y a en effet dans les tableaux de Vincent l’orée d’une narration, non pas des paysages qui se récitent, mais une intrigue qui est là dans la matière, un peu à l’image de ce tableau d’une vue de la ville où l’on aperçoit au premier plan sa propre main qui tient un livre ouvert.

Vanves chez Flo, Tempera et collages sur papiers marouflés, 65 x 100, 2021

Il y a des échos littéraires dans cette peinture, presque théâtrales aussi. Comme un écrivain qui décrirait les lieux où se déroule l’action de son histoire, Bebert donne à voir ce que nous pourrions imaginer dans une intrigue policière. Je me figurerais la quête de vérité d’un homme qui mènerait une enquête dans le même quartier : il s’emploie à décrire le quartier où il livre ses investigations, ce qu’il voit de ses fenêtres et ce que ses voisins pourraient voir des leurs. Il décrypte les angles et les points de vue. Il identifie la géométrie de l’espace et en conclut la forme de l’action, celle d’un hypothétique drame ou d’un espoir amoureux, on ne sait plus très bien… une errance intérieure en tout cas. Et finalement au prix d’observations minutieuses telles que Vincent doit les faire probablement, son carnet de dessin à la main, son regard change, avec le nôtre ainsi que celui qui mènerait cette enquête. Les couleurs de Vincent sont douces et chargées de terre, son geste parfois emporté, les compositions de son dessin nous plongent dans une ambiance tout en suspend chargée d’atmosphères.

mûres de ronces de Meudon, 24 x 32, huile sur tempera sur papier marouflé, 2024

Quoiqu’avant tout peintre de plein air, Vincent Bebert ne dédaigne pas la nature morte, nommée « vie silencieuse » par son autre grand ami et maître Alexandre Hollan, nature morte qu’il peint d’ailleurs très souvent dehors, installant ses objets à même l’herbe dans un près. Voyez sa série de paniers posés dans l’herbe, ces mûres au couleur de myrtille, cette assiette de figues posée à même la terre, ses raisins noirs, son bouquet de menthe, la théière de sa mère. Les natures mortes, ou vies silencieuses donc, sont pour lui un motif équivalent à une montagne et se prêtent aussi bien à des recherches sur la géométrie des volumes.  Vincent les situe dans des compositions entre figuration et abstraction. On devine à peine une table, contexte qui accueille ces offrandes, et le sentiment qui se dégage de ses œuvres est celui d’une intimité tranquille, d’une clarté dans une lumière d’esprit comme autant d’allusions au simple bonheur du quotidien. Je vois dans cette intériorité et dans cette immanence quelque chose qui me rappelle un peu Rembrandt. D’ailleurs Vincent titre une de ses œuvres récentes : « endachtig » qui signifie recueillement en allemand et qui n’est pas sans rappeler la phrase que le musicien Johan Sebastian Bach avait écrite sur la couverture de sa bible personnelle : « Bey einer andächtigen Musiq ist allezeit Gott mit seiner Gnaden Gegenwart » : « Dans une musique recueillie, Dieu est toujours présent avec sa grâce ». Et on comprend que la peinture et l’art sont, en quelque sorte, une forme de religion personnelle, intime…

On remarquera en particulier cette grande nature morte, une table sur laquelle est posée une théière. Il y a quelque chose dans cette théière que l’on saisit mieux avec le bas du corps, car l’image ne singe rien : elle s’incarne.

Solitude, 96 x 162, huile sur papier marouflé sur toile, 2024

Conversations avec Sam Szafran, éditions El Viso, 250 pages, 2021

Conversations sous les arbres avec Alexandre Hollan, 250 pages, éditions El Viso 2024.