Comment des objets aussi banals pour le regard peuvent percuter à ce point la pensée, pour ne pas dire la conscience ?
Au coeur de la cité phocéenne, #L’art en travail, une exposition temporaire organisée par le Mucem, donne une réponse aussi militante que philosophique. Cette exposition s’inscrit sur la scène artistique et culturelle marocaine, mais elle a le don d’être transposable ailleurs. Elle nous amène tous, autant que nous sommes et quelles que soient nos origines, à nous interroger sur ce que nous faisons de nos valeurs d’une part, et de nos facultés d’autre part, celles qui font que nous appartenons à une humanité commune et qui nous empêchent de devenir les moutons d’un seul et même troupeau.
Dès notre entrée sur le scène de cette expo, nous sommes mis en condition à la vue de ces barres parallèles de cocottes minutes : comme un rituel d’ouverture, « Monde sous pression » (Faouzi Laatiris et Batoul S’himi), nous initie à la philosophie de l’endroit. La fonction de l’artiste au coeur de la cité est ici toute trouvée : nous rappeler à l’essentiel et nous ouvrir les yeux sur le fait que nous sommes conditionnés.
Les artistes qui exposent ici ont mis leur imagination au service d’une dénonciation du réel en y trouvant les moyens de le révéler dans ce qu’il a de plus perfide. Youssef Ouchra se filme mastiquant de multiples chewing-gum et récupérant une pâte informe. Cette performance est une critique de la société d’information dans laquelle nous vivons : trop d’info tue l’info; l’info en temps réel déforme l’info. A l’image du chewing-gum qui perd sa forme initiale à force d’être mâché, notre cerveau est broyé et anesthésié par un trop plein d’informations. Il perd sa capacité d’analyse et de discernement.
Le cerveau est donc une matière malléable, comme ces élèves qu’Hicham Benohoud photographie dans cette série intitulée « La salle de classe ». L’enseignant fait ce qu’il veut de l’élève et celui-ci se soumet aveuglément, tradition oblige, à l’autorité du maître.
En nous donnant à voir ce qui est, les artistes nous donnent à voir ce qui doit être. Au centre de l’expo, est placé un âne, métaphore d’une intégration forcée à un système qui nous empêche d’être libre. La société est décrite comme un moule qui bafoue notre droit à la parôle, nos moindres élans de créativité et d’individualité. Simohammed Fettaka le souligne encore dans sa vidéo « Iqraa » : un âne chargé de pierres blanchies à la chaux parcourt sans fin des étendues de paysage rocailleux. Peu importe où il marche, pourvu qu’il marche et surtout qu’il porte.
C’est ainsi qu’il faut continuer la route, et non sa route, sans qu’aucune ouverture ne soit possible et envisageable ; si c’est le prix de la socialisation, est-ce le prix d’un état de droit ? Telle est la question que nous pouvons nous poser en regardant défiler de manière rectiligne et uniforme des voitures sur une autoroute au dessus de laquelle sont écrits en lettres monumentales ces trois mots : « Dieu, la patrie, le roi ». (Simohammed Fettaka)
Les oeuvres de #L’art en travail montrent à quel point le pouvoir, l’éducation et le travail, alors même qu’ils devraient structurer notre humanité, inhibent notre liberté et notre libre-arbitre.
Peut-être que ces quelques lignes vous auront donné envie d’aller voir la seconde exposition temporaire organisée par le Mucem et présentant la création artistique contemporaine du Maroc :
#2 PASSERELLE ARTISTIQUE : ETRANGE PARADOXE (du 20 juin au 27 octobre 2014)
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#L’ART EN TRAVAIL
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Nous sommes sous pression, comme les cocottes minutes et nous ne savons pas quand et ou l’explosion aura lieu.
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