BEBERT Vincent – Galerie Pome Turbil – Lyon

Il y a quelque chose de démiurgique dans le travail de Vincent Bebert, mais un démiurge tout emprunt d’humilité qui dit à la nature, « je ne fais pas mieux, mais aussi bien ». Dans ce face à face avec les éléments, Vincent Bebert trouve sa consécration, et ce, par une peinture de paysage qui révèle bien plus que le paysage. Elle parle en effet de la manière par laquelle le peintre s’ancre dans l’existence, les pieds bien sur terre, et ce, bien qu’il y ait ici à ses yeux, quelque chose de bien insuffisant, insuffisance qu’il tente de combler par son travail.

S’il peint dans les montagnes chaque été, le « Bebertsummertour » pour ceux qui le suivent sur sa page facebook, délaissant à cette occasion famille et Paris, ce n’est donc pas pour fuir, mais tout au contraire, pour réaffirmer un mode d’être bien enraciné dans le monde.

Trois études, tempera sur toile marouflée, 29 x 39 cm, 2018

A ce titre, l’arbre lui ressemble. Il partage son assise et son envol, son attachement à la terre et son déploiement vers le ciel. Mais son arbre à lui n’a pas le côté aérien de celui d’Alexandre Hollan. Il n’inspire pas la même énergie. Il s’impose plus massivement et nous enserre déjà, alors même que nous n’avons pas fini de le regarder. Il se donne en vue rapprochée avec des couleurs sombres, couleurs qui se détachent d’un arrière-plan clair et donc vaste, si ce n’est étendu et profond. Serait-ce un illimité dont Vincent Bebert veut se défaire en accrochant son regard à cet arbre et en trouvant ainsi sa place ?

L’exposition actuelle à la galerie Pome Turbil présente ce travail « autour de l’arbre ». Dans une ambiance white cube, le trait expressionniste de Vincent Bebert n’est que plus flagrant. « La nuit plus colorée que le jour », une phrase de Vincent van Gogh que Vincent Bebert a voulu comme titre de cette exposition, donne à voir des arbres saisis à la tombée de la nuit. De prime abord si obscurs, des bleus profonds et des verts bouteilles sur des étendues de terre, ces paysages crépusculaires se révèlent lumineux grâce à des touches fermes en second plan, de jaune, d’ocre, de rouge, si ce n’est parfois de rose et d’orangé. Cette lumière donne de la pesanteur au sujet et de l’opacité aux apparences. L’arbre d’Alexandre témoigne de cette composition qui récupère l’espace grâce au travail sur la couleur, et qui laisse deviner quelque chose de vertigineux : une infinités de possibles, ou un précipice, qui sait ?

img022, Alexandre Hollan sur le motif, Hérault, tempéra sur papier marouflé sur toile, 130 x 260 cm, 2017

En outre, il y a ici de l’épaisseur et des juxtapositions. Les diverses couches de peinture en témoignent, l’effet caillouteux de l’huile ou d’une tempera grasse le confirment. Ce travail s’apprécie donc à des distances distinctes. Il y a ceux qui s’approcheront pour apprécier le travail de la matière : les mélanges de pigments, les différentes émulsions, le rendu des divers couteaux, brosses et pinceaux… Et il y a ceux qui s’éloigneront pour apprécier le travail de composition : l’enchevêtrement des courbes, les perspectives et les profondeurs.

trois études, Tempera et collages, 29 x 39 cm, 2018

Un travail monumental, il va sans dire, dans les grands formats (Grands chevaux – 122 x 250), mais qui se retrouve aussi, et contre toute attente, dans les petits formats (26 x 36), où des arbres encadrent le paysage, ou annoncent, peut-on dire aussi, le spectacle de la nature : une mise en abyme de la nature par la nature.

Grands chevaux, Huile et tempera sur papier marouflé, 122x 250, 2017

Ce rituel des grands espaces fait toutefois place à un certain retour à la figuration. Vincent Bebert a en effet mis en scène cette année sa famille, ses amis, ceux qui l’inspirent ou ceux qui l’instruisent, des animaux aussi, ceux qui passent au milieu de ses ateliers sur le motif. Leurs traits reprennent le style graphique du dessin abrégé : petit clin d’oeil à « Japonisme 2018 » ou simple coïncidence ? Simples et minimalistes, ces silhouettes viennent habiter le paysage. Leur légèreté appuie son opacité, bien plus qu’elle ne la dément. Elles rappellent à leur manière qu’il ne s’agit pas tant de regarder ou de désigner, mais bien plus de s’immerger dans le paysage. Chapeau bas pour cet ajout graphique qui met en valeur la relation du peintre au paysage, et ce, bien plus qu’il ne la court-circuite.

crépuscule Safavide, Drôme, Tempera sur papier marouflé, 250 x 122 cm, 2017

Il y a donc du fauvisme dans le travail de Vincent Bebert et cette exposition est une belle occasion de le découvrir : pas tant celui d’André Derain, mais celui de Kees Van Dongen qui, en représentant les danseuses et courtisanes des cabarets de Montmartre, l’a renouvelé. Vincent Bebert a quant à lui choisi des terrasses de café ou des scènes de marché. Aquarelles, collages, huiles, autant de médiums par lesquels il croque le mouvement de ces endroits conviviaux.

scène de marché, Tempera et collages sur papier, 50 x 65cm, 2009

Cette exposition sonne comme une prouesse pour cet artiste-peintre qui ne cesse de convaincre, même en se renouvelant.

Exposition du 8 novembre au 20 décembre 2018 – Galerie Pome Turbil – Lyon