Tatiana Trouvé

Il y a dans le travail de Tatiana Trouvé, quelque chose de fantastique au sens où la frontière entre le réel et l’imaginaire n’est pas vraiment perceptible, et pour cause, des scènes d’intérieur sont exposées en extérieur, et de l’extérieur habite de l’intérieur. Serions-nous face à un travail conditionné par les confinements successifs où, bien que confiné, il fallait bien trouver un moyen de s’évader ? Des scènes de passage, comme des plateaux de cinéma désertés par les acteurs, une forêt vue au travers d’un négatif ou un rêve dont on a la chance de se souvenir, des murs transparents au milieu d’une nature infinie, des parois qui segmentent le paysage, comme un tracé de contours là où d’habitude il n’y en a pas.

A cette confusion des lieux qui fait le thème des pièces de l’artiste, s’ajoute un travail singulier sur le chromatisme et la texture, travail qui participe de leur aspect onirique. Un chromatisme restreint fait varier du clair à l’obscure une couleur unique, surface en laquelle seul du noir cerne des formes très souvent géométriques, à la manière d’un cubisme contemporain : chapeau bas pour cette définition de contours dans l’étendue de la nature, étendue qui gagne par ce biais en amplitude et en infini.

Cet effet s’accentue par l’usage de différents médiums : crayons de couleur, mine graphite, encre de chine, pastel gras, peinture acrylique, huile de lin, eau de javel… Ces médiums détachent les figures de l’uniformité de fond qui les soutient. Le papier marouflé sur toile les porte et les illumine. Cet effet ne saurait enfin s’abstraire d’un véritable travail de composition, notamment par le tracé d’un ruban, ligne qui serpente et tournoie dans la profondeur ainsi élaborée des paysages.