Grande lumière
Il y a dans le travail de Laurent Letourmy, une longue et patiente élaboration qui se joue au grès de ses voyages, de ses désirs et de ses perceptions, au grès de la vie qui passe, et qui, en passant, le nourrit d’expériences à interpréter et d’images à dessiner. Tout part de son carnet d’esquisses, et s’il n’est pas adepte de la peinture sur le motif, il en partage sa géniale spontanéité. Il y porte ses observations au moyen de techniques mixtes (crayon, encre…), tout en les nimbant de ce qu’elles lui donnent à penser. Ces dispositifs sont autant de possibles et d’impossibles paysages, d’émotions ou de rêves à retranscrire, de perceptions oniriques à réifier dans des pièces à venir, des linogravures et des huiles sur toile.
Parmi celles-ci, Hêtraie, Pinède, Mangrove, Sapinière sont autant de manières de raconter ces paysages préalablement perçus, autant de manières de décrire les environnements dont il s’est épris. Il y a là un vrai travail de composition, le dessin prenant le pas sur la peinture, et cela se lit au niveau de l’organisation spatiale des éléments. Si l’artiste a choisi la sobriété de couleurs hivernales ou crépusculaires, il donne au vide un rôle prépondérant, ce vide qui prend une place plus que nécessaire dans l’écriture de l’espace. Si l’arbre n’est ici qu’un prétexte, bien plus qu’un thème de prédilection comme chez Alexandre Hollan, le rendu de sa silhouette haute et mouvante ou l’opacité de son assise participe de cette délimitation du vide tout aux abords du plein dans des espaces résolument silencieux.
Cependant, et contre toute attente, les croquis initiaux ont eu pour certains un devenir dans une autre forme de composition : de grands paysages circulaires. Ce format bouleverse la morphologie classique du paysage peint. Le regard gravite autour d’un centre et tourbillonne le long de strates parallèles qui s’échelonnent.
Deux types de peinture du paysage participent d’une réflexion sur la notion de représentation. Comment saisissons-nous ce que la nature donne à voir ? Peut-on croire en l’objectivité d’une représentation ? N’y a-t-il pas toujours une empreinte subjective ? Toute représentation n’est-elle pas l’écho d’une subjectivité ? Chapeau bas à l’artiste pour avoir trouvé un vocabulaire plastique à ce questionnement fondamental sur notre rapport au monde.