Il y a chez Théodore Rousseau une figuration de la forêt depuis l’intérieur. Oui, avec ce peintre, nous sommes immergés dans les bois, les pieds sur terre, comme on dit, et le regard aux abords des marres, à tel point que nous pourrions entendre les grenouilles coasser. Nous faisons corps avec le feuillage et si nous apercevons le ciel, alors c’est en ellipse, un cercle de lumière au dessus de nos têtes, un écran circulaire qui nous survole, une jolie manière de nous remettre à notre place dans la nature, nous qui n’en sommes pas maître et possesseur, mais bien plutôt partie intégrante autant que membre constitutif. Cette ode à la nature qui rompt avec le paysage idéal de Nicolas Poussin ou les champs historiques de Jean-Charles Rémond, nous le rappelle avec force et panthéisme. Rousseau, un peintre qui sait rendre le paysage dans sa plus pure naturalité en travaillant sur le rendu des matières de la forêt. Oui, celui-ci sera flouté, dilué, empâté, hachuré et suivant un savant mélange de médiums (aquarelle, gouache, pastel), la texture saura rendre l’aspect dense et terreux de ces paysages saisis directement sur le motif. S’il faut aussi retenir l’arbre comme un motif paysager essentiel dans ce travail, puisqu’en effet les portraits d’arbre y ont une place majeure, comme chez Alexandre Hollan, il n’en demeure pas moins que les études de branche ou d’écorce, participent du lyrisme et de l’expressivité de cette œuvre qui met un point d’honneur à représenter le réel dans ce qu’il a de plus singulier, ces parties un peu atomistiques qui, par effet cumulé, créent le tout de la nature et sa profondeur abyssale.




