On connaissait les paysages marocains de Matisse, les tableaux d’inspiration orientale de Delacroix, les masques africains de Picasso, mais aussi les Lettres persanes de Montesquieu et Le Sopha de Crébillon fils. On découvre aujourd’hui au musée des Arts Décoratifs, l’influence des arts de l’Islam sur la production de bijoux et d’objets précieux de la maison Cartier, un père et trois fils, du début du XXème siècle à nos jours.
L’exposition fait parcourir deux couloirs. Le premier est consacré aux travaux préparatoires. Nous avons là les sources où sont puisées des idées de formes et de couleurs, notamment dans des courants artistiques, le courant oriental et persan essentiellement, tendance romantique de la joaillerie Cartier qui la conduit à flirter avec l’art déco. Nous avons les livres et document d’études, une esthétique lointaine, si ce n’est exotique, qui stimule l’imagination, un savoir ésotérique dont la possession diversifie et affine les contours de la joaillerie Cartier, la faisant par ailleurs travailler sur un chromatisme sans précédent. Nous avons les collections d’art islamique des frères Cartier par lesquelles nous comprenons comment peintures, plumiers ou aspersoirs ont pu inspirer montres, pendentifs, étuis à cigarettes ou nécessaires. Nous avons les voyages en Inde par où l’on saisit l’inspiration indienne, l’Inde où s’était rendu Jacques Cartier pour comprendre comment utiliser les perles et pierres précieuses dans les créations Cartier. On retrouvera cette esthétique indienne dans les années Jeanne Toussaint.
Ce premier accrochage est comme une généalogie de la joaillerie Cartier. On comprend comment ceci permet d’arriver à cela.
Le second couloir fait découvrir le répertoire de formes qui est issu du travail préparatoire ci-dessus présenté. Il y a donc une chronologie dans cette exposition, et tout visiteur qui parcourrait l’accrochage en sens inverse, en manquerait l’intérêt et l’effort de lisibilité qui y est investi. Avant de pénétrer dans ce répertoire de formes, nous serons face au style guirlande et aux motifs géométriques qui ont pu dessiner la joaillerie Cartier, mais là n’est pas le clou de l’exposition, quand bien même ces apprêts, impressionnants par leur intensité lumineuse, sont accrochés dans la partie centrale, au cœur des colonnes du MAD. Ce qui répond à la logique de ce parcours et qui mène au collier « tutti frutti » pour ne citer que lui, ce sont les vitrines du second couloir. Ici s’expose un dictionnaire de symboles qui sont autant de formes par lesquelles composer des bracelets, des colliers, des boucles d’oreilles… Il y a donc la « mandorle », cette forme en amande issues des textiles persans, le « fleuron », cette fleur stylisée présente dans la calligraphie arabe, le « boteh », ce motif afghan qui forme comme une goutte, et tant d’autres motifs tapissants qui témoignent de l’esthétique orientale.
Une exposition à voir et à revoir car elle recèle un cosmopolitisme savant qui montre combien les différentes cultures ont intérêt à se nourrir mutuellement.
Étui à cigarettes – 1930 – Or, platine, lapis-lazuli, turquoises, diamant